Title: Clotilde Lepetit - Intervention ---- Subtitle: Collège de poétique du 31/03/2022 ---- Headerimage: - clothilde-lepetit-1408x.jpg ---- Theme: Le Temps ---- Subject: Interventions ---- Location: Collège de poétique, La Prison ---- Related: - resources/clotilde-lepetit - > resources/intervention-de-jacques-toubon-college-de-poetique-31-03-2022 - resources/frederic-louzeau-intervention - resources/philippe-charlier-intervention - > resources/michele-levy-soussan-intervention - resources/herve-sika-intervention - resources/shani-diluka-intervention - resources/nadir-chebila-intervention - resources/romain-duffau-intervention1 - resources/mavin-ouattara-intervention - > resources/thomas-lauriot-dit-prevost-intervention - resources/victor-pitron-intervention - resources/celine-oriol-intervention - resources/christine-peres-intervention - resources/college-de-poetique-le-corps ---- Intro: ---- Resourcecontent: - title: > Intervention au Collège de poétique du 31/03/2022 layout: | [{"attrs":[],"columns":[{"blocks":[{"content":{"text":"

Clotilde LEPETIT<\/strong><\/p>

Ce qui m'int\u00e9resses, c'est s\u00fbr que entre 1 et 2 on a un temps hyper limit\u00e9, cette esp\u00e8ce d'infini, c'est le possible et c'est la r\u00e9appropriation de ce qui est impos\u00e9 parfois et donc c'est peut-\u00eatre une fa\u00e7on de traverser le temps en vivant, en \u00e9tant hyper vivant.<\/p>

Moi je suis p\u00e9naliste, j'\u00e9tais institutrice alors \u00e7a m'int\u00e9resse aussi dans l'\u00e9cole, les rituels, le fait de se situer dans le temps pour notamment entrer dans la lecture et l'\u00e9criture parce que quand on a pas \u00e7a on peut pas comprendre et c'est d'ailleurs tr\u00e8s angoissant pour un \u00eatre de pas se situer dans le temps, parce qu'on a besoin de sa m\u00e9moire, on a besoin de ses rep\u00e8res, on a besoin d'\u00eatre dans un pr\u00e9sent pour comprendre et ensuite pour avoir une perspective. Rien que \u00e7a \u00e7a permet de lire et d'entendre les autres et voir, ne serait-ce que parler aux autres pour restituer une exp\u00e9rience.\u00a0<\/p>

Je suis donc avocate p\u00e9naliste, donc ce que je veux dire c'est que je travaille, enfin, je vis avec lui, avec Romain Dufau, qui lui est urgentiste et donc d'une certaine fa\u00e7on on s'entend sur des esp\u00e8ces d'urgence terribles. Lui c'est les urgences, moi c'est un peu les urgences de la justice, c'est les assises, c'est la d\u00e9tention, c'est les comparutions imm\u00e9diates. Le temps, il est violent par l\u2019institution judiciaire. C\u2019est comme un outil de violence, de violence l\u00e9gale, mais c\u2019est une grande violence de soci\u00e9t\u00e9. C\u2019est des heures de patience, c\u2019est inhumain le temps du justiciable. Quand je parle aux hommes et aux femmes qui vont \u00eatre jug\u00e9es, qu\u2019ils soient d\u00e9tenus ou qu\u2019ils attendent une audience, c\u2019est des heures de solitudes, des heures de peurs, des temps compl\u00e8tement inhumains et je n\u2019arr\u00eate pas de leur dire pour qu\u2019ils en soient un peu avertis. Etre averti, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 un bout de rempart au fait de vivre et traverser ces \u00e9preuves. Des temps qui sont supsendus, des temps de patience. Par pour rien qu\u2019on appelle un patient, un patient. Moi c\u2019est des ann\u00e9es. C\u2019est comme si la vie \u00e9tait \u00e0 l\u2019arr\u00eat et c\u2019est un temps ou vous d\u00e9pendez des autres, vous d\u00e9pendez d'un pr\u00e9tendu expert, d'un juge, d\u2019un expert psy, d'une audition, vous d\u00e9pendez d'un calendrier qui vous est inflig\u00e9 et toute votre vie est comme suspendue, comme \u00e0 l'arr\u00eat, il y a comme une esp\u00e8ce d\u2019\u00e9p\u00e9e de Damocl\u00e8s, vous \u00eates dans la peur et dans la perspective de, vous n'avez plus la ma\u00eetrise quoi, il faut traverser ce temps-l\u00e0, c'est des temps de rien et vous d\u00e9pendez des autres et c\u2019est terrible \u00e7a, parce que c'est un temps de soumission, c'est un temps subis, c'est un temps qui est plus \u00e0 soi et parfois il faut r\u00e9apprendre \u00e0 \u00eatre un peu \u00e0 soi. Et puis donc en fait, vous vous sentez aux oubliettes, vous \u00eates un peu mort et \u00e7a, je parle pour le d\u00e9tenu comme pour le justiciable. Et quand le temps est en action en mati\u00e8re de justice, l\u00e0 \u00e7a tombe, c'est d\u2019une violence inou\u00efe parce que l\u00e0 pour le coup c'est comme si vous n'\u00e9tiez pas pr\u00eats. Vous avez beau avoir attendu attendu attendu, pens\u00e9 pens\u00e9 pr\u00e9par\u00e9 esp\u00e9r\u00e9 avoir eu peur, le moment o\u00f9 ca arrive, c'est trop grand pour vous. une salle d'audience est toujours trop grande pour vous. une salle de JLD c'est trop gros pour vous. vous parliez de cette chambre d'h\u00f4pital qui est \u00e0 la fois une cellule et une chambre. je l'ai v\u00e9cu en triple\u00a0 \u00e0 l'H\u00f4tel-Dieu, c'\u00e9tait une salle d'audience devant le juge des libert\u00e9s et des d\u00e9tentions, une salle d'h\u00f4pital o\u00f9 il fallait que la personne survive et qu'on attende qu'elle puisse expulser tous les produits qui pouvait l\u00e0 tuer, qu\u2019elle avait ingurgit\u00e9 pour venir livrer, en fait, c\u2019\u00e9tait une valise humaine voil\u00e0 et puis ce temps de cellule qui est un temps d'arr\u00eat. vous \u00eates mis \u00e0 l'arr\u00eat. ce temps d'attente qui, il faut d'abord qu'on attende que vous expulser tout et que vous surviviez. est-ce que je vais vivre et puis ce temps de perspective ou en m\u00eame temps on est en train de d\u00e9battre avec des mots d'ailleurs, tr\u00e8s choisis de justice \u00e9pouvantable, qui fait violence et qui dit ah bah vous allez aller en d\u00e9tention parce que g\u00e9n\u00e9ral vous y aller dans ces cas-l\u00e0 et c'est-\u00e0-dire on se mange en une heure m\u00eame pas, tous ces temps-l\u00e0 qu'on a pas choisi et qui sont tous trop gros pour vous. C\u2019est des temps dont finalement on est rescap\u00e9s. La justice, je trouve que moi comme avocate, j'exerce le m\u00e9tier qui est celui de l'art de perdre, parce que, en fait j'accompagne des gens qui subissent, qui souffrent le temps. Ils sont jamais heureux d'un rendu de justice de quelque c\u00f4t\u00e9 qu'il soit. Et juste pour pour la d\u00e9tention alors c'est comme si votre corps \u00e9tait lui-m\u00eame une horloge, on vous inflige un rythme qui est celui des claquement de portes qui vibrent, 1, 2, 3 mais qui claquent. Parfois, on vous ouvre la porte le matin et quand vous travaillez, vous \u00eates charg\u00e9 des poubelles on vous nomme m\u00eame plus. On ouvre la porte et on dit poubelle ! Je connais une femme qui est sorti de d\u00e9tention au bout de plusieurs ann\u00e9es, elle savait plus comment elle s'appelait parce que le matin pendant des mois et des mois, son rythme et son temps, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 une porte qui s'ouvre le matin et un mot qui \u00e9tait \u201cpoubelle\u201d. C'\u00e9tait comme devenu son nom, c'est-\u00e0-dire que son corps et son identit\u00e9 \u00e9tait devenu un rythme, comme une horloge. Voil\u00e0 sachant que le temps en g\u00e9n\u00e9ral quand on le vit en libert\u00e9, on le vit aussi comme vous dites ou m\u00eame de fa\u00e7on intellectuelle, avec la lumi\u00e8re, avec les astres et l\u00e0 pour le coup le ciel est ferm\u00e9. On a pas la vue, j'ai visit\u00e9 les maisons d'arr\u00eat et les prisons on a dans la promenade un ciel \u00e0 peine ouvert avec des murs tr\u00e8s tr\u00e8s haut comme pour vous emp\u00eacher m\u00eame de voir les arbres. Ce qui n\u2019est pas rien en terme de perception du temps, parce que la lumi\u00e8re qui fait du bien au corps c'est aussi du temps mais qu\u2019on vit de fa\u00e7on sensuelle et m\u00eame \u00e7a \u00e7a vous est enlev\u00e9.
Voil\u00e0 j\u2019avais pleins d'autres trucs \u00e0 dire mais je suis trop... voil\u00e0.<\/p>



(propos retranscrits par Antoine Ripaud)<\/em><\/p>"},"id":"b163d353-6227-4753-890b-6494c0320879","isHidden":false,"type":"textBlock"}],"id":"644af607-5685-4a95-a815-1b016064c8e4","width":"1\/1"}],"id":"2e6a5b02-3d78-44c8-b803-9db076efe784"}] ---- Metatitle: ---- Seoimage: ---- Description: