Title: Shani Diluka - Intervention ---- Subtitle: Collège de poétique du 31/03/2022 ---- Headerimage: - shani-diluka-1408x.jpg ---- Theme: Le Temps ---- Subject: Interventions ---- Location: Collège de poétique ---- Related: - resources/shani-diluka - resources/extrait-de-watch-les-portes - > resources/watch-extraits-videos-du-spectacle - resources/watch-images-du-spectacle - > resources/intervention-de-jacques-toubon-college-de-poetique-31-03-2022 - resources/frederic-louzeau-intervention - resources/philippe-charlier-intervention - > resources/michele-levy-soussan-intervention - resources/herve-sika-intervention - resources/clotilde-lepetit-intervention - resources/shani-diluka-intervention - resources/nadir-chebila-intervention - resources/romain-duffau-intervention1 - resources/mavin-ouattara-intervention - > resources/thomas-lauriot-dit-prevost-intervention - resources/victor-pitron-intervention - resources/celine-oriol-intervention - resources/christine-peres-intervention - resources/college-de-poetique-le-corps ---- Intro: ---- Resourcecontent: - title: > Intervention au Collège de poétique du 31 mars 2022 layout: | [{"attrs":[],"columns":[{"blocks":[{"content":{"text":"
Je suis tr\u00e8s heureuse d\u2019\u00e9couter ces exp\u00e9riences du temps. Alors la mienne elle est plut\u00f4t du temps schubertien, du temps de la musique. J\u2019ai eu cet honneur de partager l'exp\u00e9rience avec Nadir, avec toi Olivier, avec ce projet Watch autour de Schubert et donc j'ai essay\u00e9 de r\u00e9fl\u00e9chir sur le temps musical, qui est en fait aussi une m\u00e9taphore de la vie \u00e0 mon sens.\u00a0<\/p>
<\/p>
J'ai essay\u00e9 d'\u00e9crire un petit peu. Alors \u00e7a rejoint aussi ce que disait Philippe et puis tout le monde en fait.<\/p>
Nous sommes plus proche de l'invisible que du visible disait Novalis ,le po\u00e8te, l'\u00e2me s\u0153ur de Schubert. Ils ont des destins crois\u00e9s tous les deux, des chercheurs de sens mais tous les deux morts dans la fleur de l'\u00e2ge. Novalis avait 21 ans, Schubert 31. pourtant ils ont apport\u00e9 des milliers de t\u00e9moignages, des milliers de po\u00e8mes, des milliers de musique. L'invisible et l'infini nous relient-ils au pr\u00e9sent o\u00f9 \u00e0 l'\u00e9ternel ? Leur vie \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, les ont-elle conduite \u00e0 cette conscience de l'instant fugace qui s'inscrit dans le rythme du monde? Alors surgit cette question du temps, complexe et myst\u00e9rieuse. Quand en Occident en parle du temps, on montre le futur avec un geste en avant et le pass\u00e9 avec un geste derri\u00e8re nous et dans des peuples d'Am\u00e9rique du Sud notamment en Bolivie on montre le futur avec un geste en arri\u00e8re et le passe avec un geste en avant. Il y a une certaine logique puisqu\u2019on voit ce qui s\u2019est pass\u00e9 et qu\u2019on ne voit pas ce qui va arriver dans le futur.\u00a0<\/p>
il y avait une conf\u00e9rence de Christophe Galfard, l'astrophysicien, qui parlait justement de cette notion abstraite du temps qu'on a construit par les astres, mais aussi par notre finalit\u00e9 qui est la mort. Je crois que chez Schubert, cette relation entre le pass\u00e9 et le futur s'inscrit dans un aller-retour permanent. Dans une constante transformation. Et chez Schubert, il y a cette cellule musicale qu'on trouve et qui repr\u00e9sente quelque part l'\u00e2me qui traverse la vie du pass\u00e9 au futur, du futur au pass\u00e9. Comme le vide et le plein dans la philosophie chinoise ou le clair-obscur chez Rembrandt, l'infiniment petit devient l'infiniment grand. Une sorte de qu\u00eate de v\u00e9rit\u00e9 insaisissable. Comme le coquillage qu'on \u00e9coute pour entendre l'immensit\u00e9 de la mer.<\/p>
Ainsi, Schubert nous emm\u00e8ne dans ces contr\u00e9es invisibles, qui p\u00e9n\u00e8trent le c\u0153ur. Cette fragilit\u00e9 pure de la vie, que l'on retrouve parfois dans l'ombre des enfants. Schubert a \u00e9crit une lettre le 3 juillet 1822, qu\u2019il a appel\u00e9 \u201cmon r\u00eave\u201d. Il dit ces mots: \u201cJ\u2019errais dans une contr\u00e9e lointaine. Et ce sont des lieders d\u00e9sormais que je chantais pendant de longues, longues ann\u00e9es. Cependant, si je voulais chanter l\u2019amour, il devenait pour moi douleur; et si en retour je voulais chanter la douleur, elle se transformait en amour. En ce creux infini demeure cet insondable myst\u00e8re\u201d.\u00a0<\/p>
Les chants du Voyage d'Hiver nous montrent \u00e0 quel point le langage de Schubert se trouve dans ces interstices, comme des silences int\u00e9rieurs. Il a explor\u00e9 le mouvement de l'eau, l'errance, la nature consolatrice et dans ce Voyage d'hiver il se fige dans l'immobilit\u00e9 de la nuit. Quelques mois avant sa mort en 1827, il d\u00e9couvre ces textes de Mulher. D'ailleurs Mulher meurt au moment de la cr\u00e9ation de cette \u0153uvre le Voyage d'hiver et cette oeuvre et ces textes r\u00e9sonnent compl\u00e8tement avec l'hiver de l'\u00e2me de Schubert. Les 12 po\u00e8mes de M\u00fcller le bouleverse et il se reconna\u00eet dans cette solitude et dans cette attente, dans l\u2019enfermement de la maladie qui va l'emporter quelques mois plus tard. Il va choisir dans ces po\u00e8mes un ordre particulier, son ordre \u00e0 lui pour se cr\u00e9er son propre voyage int\u00e9rieur. D\u00e8s le d\u00e9part ainsi, le narrateur dit je. Il commence son voyage par la nuit : \u201cGute Nacht\u201d, bonne nuit. C'est vraiment \u00e9trange de commencer un voyage spirituel et musical par la nuit. Cette nuit que nous traversons nous dans des moments de doute et d\u2019errement et parfois, pour certaines personnes, cette nuit d\u00e8s l\u2019enfance. C\u2019\u00e9tait fascinant de voir la propension \u00e0 rentrer, \u00e0 \u00e9couter Schubert pour la 1\u00e8re fois, comme si ils rentraient en m\u00e9diation. Ils ont d\u00e9couvert Schubert, ils ont d\u00e9couvert cette musique et ont \u00e9crit des textes bouleversants sur leur pass\u00e9, sur leur vie mais aussi sur leurs r\u00eaves futurs. Ils ont \u00e9t\u00e9 en fait extraordinairement connect\u00e9 a eux-m\u00eames et au monde tout en \u00e9tant parfois, tout en oubliant que le cadre d'enfermement, j'avais l'impression que leur \u00e2me \u00e9tait devenue l'univers.<\/p>
Avec Olivier, ce Voyage d'hiver est devenu un Voyage divers. Sans jamais d\u00e9fleurer le texte de Schubert, de Muller, seulement les titres et la musique \u00e9tait leur guide, leur b\u00e2ton de p\u00e8lerin et il y avait bien s\u00fbr le travail d'Olivier, d\u2019Ir\u00e8ne Muscari, toute une \u00e9quipe qui sont aussi ces merveilleux p\u00e8lerins. Et avec les acteurs de ce projet, les com\u00e9diens, ceux qui ont fait l'\u00e9criture de ce texte nous avons en fait explorer gr\u00e2ce \u00e0 eux tous, les profondeurs de l'\u00e2me humaine, nous bouleversant \u00e0 chaque instant et apportant un espoir immense en la capacit\u00e9 de l'homme \u00e0 se transformer. Tout comme cette cellule Schubertienne qui se transforme dans l'\u0153uvre. Ainsi c\u2019\u00e9tait extr\u00eamement touchant de voir que leurs textes et la musique de Schubert se rencontraient et qu\u2019ils ont pu pr\u00e9senter \u00e0 leurs proches, \u00e0 leur famille, a leurs camarade de cellule avec une sinc\u00e9rit\u00e9 qui nous submergeaient \u00e0 chaque instant. La po\u00e9sie et la location du temps sont entr\u00e9s dans leur \u00e9criture au c\u0153ur battant du venderer. Pour moi c'est l'homme avec un grand H qui se retrouve dans le cercle du temps, dans ce cercle de Vitruve qui l'inscrit dans son universalit\u00e9. Le cycle finit donc par une odyss\u00e9e oppressante puisque c'est l'appel de la mort. Le temps qui est tributaire de ce glas finale. Le pas du voyageur dans la musique pi\u00e9tine, marche, lourdement. Et cette musique c'est juste noir deux croches. mais \u00e7a repr\u00e9sente tout la marche du monde et Schubert s'identifie dans ce voyage, dans ce paysage mental. Donc le piano \u00e0 essayer de suivre comme un chien fid\u00e8le ce texte, le chanteur, mais aussi cette marche et nous avons essay\u00e9 de retranscrire cette musique au piano mais aussi avec l'intimit\u00e9 des cordes, de la clarinette et aussi avec une forme d\u2019expressionnisme cruel, puissant, par les sons du DJ Matias Aguyao, par cette musique qui r\u00e9sonne avec les temps modernes et puis les sons de la prison qui sont devenus une sorte de mat\u00e9riaux vivant et artistique. Et ce Schubert qui est devenu une mati\u00e8re en constante expansion comme l'univers. Evidemment s'inscrivent dans le temps, la douleur, les t\u00e9moignages des sans-abris, les compagnons de mal fortune, les destins bris\u00e9s par la maladie mais aussi des textes fondamentaux de Foucauld, Deleuze et ces t\u00e9moignages font fasse \u00e0 la marche du destin et aussi \u00e0 l'apparition, \u00e0 la r\u00e9surgence de souvenirs heureux. Ces personnes qui parlent de leur pass\u00e9 et d\u2019espoir \u00e0 venir. Il y a une sorte de capacit\u00e9 de transformer la fatalit\u00e9. Si on \u00e9coute Schubert, parfois le mineur devient heureux et puis le majeur devient triste. Ces modes finalement ce sont les paradoxes de l'\u00e2me humaine, de l'\u00e9ph\u00e9m\u00e8re mais aussi la possibilit\u00e9 d'accepter son destin comme un sourire \u00e0 travers des larmes, quand on \u00e9coute Schubert c'est comme un sourire \u00e0 travers des larmes et puis c'est un dialogue j'ai pu avoir avec Nadir par exemple quand on a jou\u00e9 ensemble le quatre mains. J'\u00e9tais compl\u00e8tement subjugu\u00e9 parce que Nadir \u00e0 travailler en prison avec un clavier, d'oreille, toute la partie qui est extr\u00eamement complexe de l'accompagnement de la fantaisie de Schubert. On a plus jou\u00e9 en concert cette fantaisie \u00e0 quatre mains et je crois que c'est une des plus belles exp\u00e9riences dans ma vie et puis aussi un des plus beau exemple.<\/p>
Pour terminer, je voulais parler de la derni\u00e8re pi\u00e8ce de ce cycle: le joueur de viel, le leirman. C\u2019est une m\u00e9lodie \u00e9trange, tr\u00e8s simple, qui est une sorte de m\u00e9lodie populaire. Il y a ce vieillard qui fait tourner la viel et on lui demande quel est le temps, qu'est-ce qu'il y a apr\u00e8s la mort. Et le vieillard joue toutes les douleurs du monde dans un calme et une sorte de joie.\u00a0 Avec Olivier, avec Mathias, on a essay\u00e9 de changer cette mort, cette fin comme une sorte de f\u00eate, on a tous dans\u00e9, on a dans\u00e9 la mort , on a dans\u00e9 la vie. Je pense \u00e0 rejoindre ce que disait Philippe, c'est aussi de vivre avec les morts et c\u2019est aussi le fait de danser comme les peutlache, ce sont ces f\u00eates des tribus d\u2019am\u00e9rique du sud qui essayent de se lib\u00e9rer de tous les maux, de toutes les douleurs, dans la f\u00eate. Donc pour terminer, j\u2019aurai pu parler de Bergson, de la dur\u00e9e du temps subjectif, de ce qu\u2019on vit, de la dur\u00e9e et le fait que la musique fait ce m\u00eame chemin. Et puis comme Orph\u00e9e, on voit Orph\u00e9e traverser les t\u00e9n\u00e8bres, le temps se suspend et dispara\u00eet son Euyridice et avec nos amis d\u00e9tenus, ceux qui traversent la nuit pour remonter la lumi\u00e8re en sacrifiant parfois, en prenant des choses derri\u00e8res eux, on voit qu\u2019il est possible de cr\u00e9er des nouveaux phares pour eux et pour nous, qui \u00e9clairent le temps.<\/p>
(propos retranscrits par Antoine Ripaud)<\/em><\/p>"},"id":"c281804e-71b0-4e8e-8029-4432df8bbfc8","isHidden":false,"type":"textBlock"}],"id":"6af529d8-b39a-4bb0-acbb-9210166d8b2a","width":"1\/1"}],"id":"b883a752-963a-4ddd-a383-61f2c720277e"}]
----
Metatitle:
----
Seoimage:
----
Description: