Je suis urgentiste, je sors de garde, j\u2019ai donc dormi 1h30, donc j'ai les id\u00e9es un peu embrouill\u00e9es, un peu fatigu\u00e9. Donc j\u2019\u00e9tais en retard, press\u00e9 de venir ici, et en venant, j\u2019\u00e9tais sur mon scooter en train de penser au temps, ce que \u00e7a m\u2019\u00e9voquait et j\u2019entends dans mon casque, sur France inter, qu\u2019ils ont d\u00e9couvert\u00a0 une nouvelle \u00e9toile qui a 19 milliards d'ann\u00e9es-lumi\u00e8re de chez nous et c'est incroyable \u00e7a, c\u2019est des notions folles, de se dire que je suis \u00e0 20 minutes de retard mais en m\u00eame temps, il y a des \u00e9toiles\u00a0 qui sont \u00e0 19 milliards d'ann\u00e9es-lumi\u00e8re de mois et il y a eu un schiste en moi qui s\u2019est produit, le rapport au temps.<\/p>
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Pour revenir \u00e0 mon exp\u00e9rience professionnelle, je travaille \u00e0 l\u2019h\u00f4pital public en partie et c\u2019est vrai que comme beaucoup de m\u00e9decins, je trouve que la structure publique, qui \u00e9tait cens\u00e9e accueillir, soigner les gens et les accompagner, est ab\u00eem\u00e9e et donc en tous cas encore plus aux urgences, on manque de personnel vous le savez - ce qui fait qu\u2019il y a un contraste saisissant entre le temps que ressent le patient aux urgences avec comme vous le savez, l\u2019angoisse du diagnostic, l\u2019angoisse de ce qui lui arrive et l'angoisse de l'attente et le temps du m\u00e9decin\u00a0 du soignant\u00a0 qui est press\u00e9 en permanence par le temps et prends \u00e0 peine le temps de lui expliquer, de le voir et d\u2019accompagner en fait les gens. l\u00e0 ou on devrait le faire et l\u00e0 on devrait tenir une obligation du soin d\u2019\u00eatre dans ces pr\u00e9rogatives la. L'organisation et l\u2019\u00e9tat actuel actuelle de l\u2019h\u00f4pital public ne permettent pas de d'accompagner ces gens-l\u00e0 comme il le faudrait et c'est vrai que l\u2019\u00e9tirement du temps qui est insupportable pour le soignant et \u00e0 l'oppos\u00e9 pour le soignant lui-m\u00eame, de raccourcir ce temps au maximum pour pouvoir voir le plus de gens possible. Donc c\u2019est un sujet qui m\u2019angoisse un peu et qui est compliqu\u00e9 \u00e0 aborder.<\/p>
J\u2019ai une\u00a0 autre exp\u00e9rience pour expliquer les contrastes de temps, surtout les oppositions du temps ressenti qui me parle dans mon m\u00e9tier et je travaille aussi au SAMU. il y a maintenant 10 ans de \u00e7a j'ai mis en place avec d\u2019autres,\u00a0 ce qu\u2019on appelle les pr\u00e9l\u00e8vements d'organes sur des c\u0153urs arr\u00eat\u00e9s \u2013 c\u2019est en fait on pr\u00e9l\u00e8ve le c\u0153ur sur des gens qui sont d\u00e9c\u00e9d\u00e9s d'un arr\u00eat cardiaque dans la rue, sur la voie publique, et la chose, c\u2019est pour pr\u00e9server les organes et donc permettre \u00e0 une autre vie de reprendre, on a un temps imparti qui est de 120 minutes. Ce qui fait qu\u2019on se retrouve dans des situations, qui sont par d\u00e9finitions des morts brutales, sur la rue, devant des t\u00e9moins ou devant des familles proches et on doit leur annoncer en 120 minutes que 1\u00a0: leur proche est d\u00e9c\u00e9d\u00e9 mais qu\u2019on a m\u00eame pas le temps de leur laisser le temps de comprendre la situation mais on doit prendre le corps avec nous pour l'emmener en structure de r\u00e9animation pour justement conditionner le corps pour pr\u00e9server les organes afin de pouvoir pr\u00e9lever ces organes et les transmettre \u00e0 d\u2019autres gens qui en ont \u00e9videmment besoin.<\/p>
Il y a donc ce schisme, de l\u2019annonce, de la brutalit\u00e9 de tout ce qui arrive, qui foudroie une famille et nous qui sommes encore une fois, press\u00e9s, et nos objectifs, ce sont deux vies parall\u00e8les, la m\u00e9decine finalement est tr\u00e8s violente avec un int\u00e9r\u00eat derri\u00e8re \u00e9vident, mais d\u2019une violence rare et qui laisse peu de place au temps pour accompagner les gens, pour qu\u2019ils comprennent les choses et d\u2019int\u00e9grer ce qui leur arrive. J\u2019ai travaill\u00e9 avec le comit\u00e9 d'\u00e9thique sur le sujet et encore une fois c\u2019\u00e9tait un questionnement, comment laisser le plus de temps possible aux gens d'int\u00e9grer la chose mais toujours dans un temps imparti qui est de\u00a0: 120 minutes. C\u2019\u00e9tait des situations inextricables au domicile des personnes. J\u2019ai un m\u00e9tier ou le temps est compt\u00e9 en permanence et en contraste total, le temps qu\u2019il faudrait prendre pour soigner, accompagner des gens. C\u2019est finalement un peu une m\u00e9decine qui abime, des 2 c\u00f4tes\u00a0: \u00e0 la fois du soignant qui ne peut pas exercer comme il le voudrait et aussi du patient lui-m\u00eame. Le m\u00e9decin ne prend jamais le temps d\u2019expliquer, on a le sentiment en tous cas, des fois on sort des urgences, j\u2019ai des proches qui sortent des urgences et ils sont incapables de m\u2019expliquer ce qu\u2019ils ont eu et ce qu\u2019ils ont. Ils savent qu\u2019ils sont malades mais ils ne savent pas quoi. Tout ce rapport au temps, dans notre soci\u00e9t\u00e9, nos milieux professionnels, qui est en inad\u00e9quation avec des besoins humains et nos rapports \u00e0 l\u2019autre.<\/p>
Et je suis tr\u00e8s content d\u2019\u00eatre l\u00e0.<\/p>
(propos rentranscrits par Antoine Ripaud)<\/em><\/p>"},"id":"7ca17e85-de54-48c0-9be2-9bcbddeb49e8","isHidden":false,"type":"textBlock"}],"id":"43b28d28-d29d-43c3-a364-d189bfba28fb","width":"1\/1"}],"id":"daf8cb6b-40de-446a-9d8f-74f4652e9d06"}]
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