Title: Hervé Sika - Intervention ---- Subtitle: Collège de poétique du 31/03/2022 ---- Headerimage: - herve-sika-1408x.jpg ---- Theme: Le Temps ---- Subject: Interventions ---- Location: Collège de poétique, La Prison ---- Related: - resources/herve-sika - resources/college-de-poetique-le-corps - > resources/intervention-de-jacques-toubon-college-de-poetique-31-03-2022 - resources/frederic-louzeau-intervention - resources/philippe-charlier-intervention - > resources/michele-levy-soussan-intervention - resources/herve-sika-intervention - resources/clotilde-lepetit-intervention - resources/shani-diluka-intervention - resources/nadir-chebila-intervention - resources/romain-duffau-intervention1 - resources/mavin-ouattara-intervention - > resources/thomas-lauriot-dit-prevost-intervention - resources/victor-pitron-intervention - resources/celine-oriol-intervention - resources/christine-peres-intervention ---- Intro: ---- Resourcecontent: - title: > Intervention au Collège de poétique du 31 mars 2022 layout: | [{"attrs":[],"columns":[{"blocks":[{"content":{"text":"
J\u2019adore jouer avec le temps, \u00e0 savoir le rapport qu\u2019on \u00e0 la perception je me demande combien de moutons on peut compter et moi \u00e7a commence avec 1, 2, 3, 4, 5 ce qu\u2019on appelle les entiers naturels et \u00e0 chaque fois qu\u2019on rajoute un, et ben je pensais gagner quelque chose, je pensais avancer. C'\u00e9tait les entiers naturels, comme \u00e7a, comme align\u00e9s sur une ligne droite. Apr\u00e8s on m'a expliqu\u00e9 qu'on pouvait faire dans l'autre sens avec des moins, et l\u00e0 je pensais que j\u2019apprenais encore un truc mais je perdais quelque chose c'\u00e9tait moins 1 - 2 - 3 et tout \u00e7a, \u00e7a allait de plus l\u2019infini a moins l'infini, on comprenait la r\u00e8gle, mais c'\u00e9tait pas simple. Apr\u00e8s on m\u2019a parler des nombres d\u00e9cimaux et avec cette virgule, j\u2019ai r\u00e9alis\u00e9 qu\u2019 entre 0 et 1 il y avait aussi l\u2019infi. Et l\u00e0 \u00e7a a commen\u00e7ait \u00e0 \u00eatre int\u00e9ressant pour moi parce que dans un temps fini il y avait quelque chose d'infini. Dans un bloc, dans un espace, dans un lieu, il y avait quelque chose qui devenait infini, mais avec la m\u00eame d\u00e9finition que j'avais au d\u00e9part du 1, 2, 3, 4, 5. Apr\u00e8s j'ai fait des matrices, n+1 et du coup l\u00e0, il y avait encore un volume, une mati\u00e8re, quelque chose qui n\u2019en finissait plus. Des matrices on passe \u00e0 l\u2019int\u00e9gral, \u00e0 la g\u00e9om\u00e9trie, on passe \u00e0 tous ces \u00e9l\u00e9ments et tous ces \u00e9l\u00e9ments je les ai appris dans le temps, comme un contrat avec mon p\u00e8re pour me lib\u00e9rer et faire enfin ce que je veux de mon temps, \u00e0 savoir si j'avais des bonnes notes, je pouvais sortir. Et puis \u00e0 un moment, la chose qui m'int\u00e9ressait c'\u00e9tait le corps et comment le corps se d\u00e9place dans l'espace et comment il \u00e9volue.\u00a0<\/p>
Et que le temps c'est les autres. C\u2019est un peu la d\u00e9monstration que je vais tenter de faire ce matin \u00e0 savoir que, quand Ir\u00e8ne Muscari m\u2019invite, moi, en prison pour faire ce travail, \u00e0 la prison de Meaux. Elle arrive un peu comme, tu dis non mais elle a entendu oui et du coup elle m\u2019a fait tout une visite de la prison, du projet qu\u2019on pouvait \u00e9ventuellement faire ensemble et je lui ai dit non car j\u2019estimais n\u2019avoir rien \u00e0 faire dans ce cadre l\u00e0. Et puis elle est venue voir mon spectacle, elle est revenue, puis quand elle m\u2019a r\u00e9invit\u00e9 en prison, elle a refait la m\u00eame visite, comme si ce temps n\u2019avait pas exist\u00e9, comme si on n'avait jamais v\u00e9cu cette premi\u00e8re visite. Moi je m'en souvenais parfaitement, mais pour elle, ca n\u2019avait pas exist\u00e9 et c\u2019\u00e9tait tr\u00e8s \u00e9trange cette deuxi\u00e8me visite. Mais parce que j\u2019\u00e9tait un autre, j'avais eu le temps de penser \u00e0 l\u2019id\u00e9e, j\u2019avais eu le temps de penser enfin je peux faire quelque chose, j\u2019ai une id\u00e9e, avec des interpr\u00e8tes qui ont une condition diff\u00e9rente des interpr\u00e8tes habituels et elle, je sais pas ce qu'elle a vu et compris mais en tout cas elle m'a entra\u00een\u00e9 dans ce truc ou, comme si cette premi\u00e8re rencontre n'avait pas eu lieu. Ca c\u2019\u00e9tait l\u2019autre, c\u2019est elle qui fait que ce rapport la m'a ouvert \u00e0 un nouveau temps, une nouvelle libert\u00e9 et cette nouvelle libert\u00e9 c\u2019\u00e9tait le contrat que j\u2019avais avec mon p\u00e8re c'est-\u00e0-dire avoir des bonnes notes et l\u00e0 je savais ce que je venais faire en prison, je venais cr\u00e9er un spectacle donc de l\u00e0, aucun probl\u00e8me, car je sais faire.<\/p>
Je r\u00e9unis mes \u00e9quipes, je rencontre les interpr\u00e8tes, on \u00e9crit, on travaille, on avance et il y a des nouvelles contraintes, c\u2019est le nombre de portes qu\u2019on a \u00e0 traverser. Je reviens \u00e0 1, +2, +3, +4 et c\u2019est infini et non pas que le nombre de porte est infini en prison mais il y a une nouvelle dimension, c\u2019est l\u2019autre. L\u2019autre, c\u2019est le surveillant p\u00e9nitentiaire qui d\u00e9cide le temps qu\u2019il va prendre pour ouvrir cette porte. C\u2019\u00e9tait devenu le temps de l\u2019autre. L\u2019autre qui d\u00e9cide de m\u2019ouvrir ou pas dans des conditions qui sont d\u00e9finies par d\u2019autres encore, qui lui ont donn\u00e9 par ruisselement le pouvoir d\u2019ouvrir ou de fermer la porte. Et du coup, les temps sont multiples.\u00a0<\/p>
Donc on \u00e9crit ce spectacle et il devient un bloc \u00e0 part enti\u00e8re. Le titre c\u2019est \u201c12 cordes\u201d, 12 c\u2019est 4 fois 3. Et au sein de ce ring, c\u2019est le spectacle, c\u2019est le show et avant d\u2019arriver sur le ring, d\u2019arriver au show, qui \u00e9tait l\u2019acte 3, il fallait qu\u2019on passe par un moment de superstition. Et j\u2019en reviens au bloc de la prison, donc les unit\u00e9s o\u00f9 ils peuvent pas se rencontrer mais il y a un nouvel espace, un espace de lieu de cr\u00e9ation o\u00f9 on n\u2019est plus dans le bloc, ou diff\u00e9rents d\u00e9tenus de diff\u00e9rents secteurs se retrouvent. Dans mon quartier, qui \u00e9tait \u00e9galement un bloc, effectivement, je retrouve des gens qui ont d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 jug\u00e9, donc je me suis lib\u00e9r\u00e9 de ce poids, j\u2019ai retrouv\u00e9 des gens \u00e0 qui je confierai mes enfants sans aucun probl\u00e8me, car on a travers\u00e9 le temps de la cr\u00e9ation, qui est encore un autre temps, une proximit\u00e9 physique, de r\u00e9flexion, de cr\u00e9ation qui fait que 20 ans apr\u00e8s, si on se croise dans la rue, on a con\u00e7u sur un temps court une relation assez forte qui perdure dans le temps, qui laisse des traces, donc le temps c\u2019est les autres et c\u2019est ce qu\u2019on partage avec l\u2019autre dans un lieu, dans un temps, dans un espace qui fait que le temps existe. Du coup, je me sentais bien avec eux, c'est un peu, je me reconnaissais en eux, je me disais \u00e0 quel moment pr\u00e9cis \u00e7a s'est pass\u00e9 pour que notre temps se s\u00e9pare. Une fois que j'\u00e9tais \u00e0 l'ext\u00e9rieur de quitter la prison c'\u00e9tait un processus dur pour moi de rentrer et sortir de prison sur un rythme comme \u00e7a, six mois d\u2019affil\u00e9. Et la seule chose qui me retenait autant, au temps, c'\u00e9tait mon boulot. On cr\u00e9e un spectacle, il faut remplir le spectacle, il faut composer des musiques, il faut faire des choix, et c\u2019est chacun des choix qu\u2019on fait qui finit par d\u00e9finir notre temps et c\u2019est ce que je voulais d\u00e9montrer. Les choix qu\u2019on fait, c\u2019est les choix qu\u2019on fait avec les autres, de venir, de ne pas venir et une fois qu\u2019on est l\u00e0, qu\u2019est-ce qu\u2019on propose, qu\u2019est-ce qu\u2019on partage avec l\u2019autre. Seul, quand la lumi\u00e8re s\u2019\u00e9teint juste avant de se coucher, c\u2019est l\u00e0 o\u00f9 il n\u2019y a plus de temps, je me demande toujours combien de moutons je vais compter avant de m\u2019endormir, c\u2019est parce que pour moi il n\u2019y a plus de temps car il n\u2019y a plus d\u2019autres, peu importe qui dort \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de moi, il n\u2019y a plus d\u2019autre et tant qu\u2019il y a des autres et que je suis en interaction avec les autres, je suis dans le temps. C\u2019est ce que je voulais d\u00e9montrer, que le temps, c\u2019est les autres\u2026. et pas forc\u00e9ment l\u2019enfer.<\/p>
(propos retranscrits par Antoine Ripaud)<\/em><\/p>"},"id":"48afc91c-6ae9-4d2a-9a85-60df3c67af15","isHidden":false,"type":"textBlock"}],"id":"737b35d5-062e-4652-8ee1-1265852197a2","width":"1\/1"}],"id":"7585a6e7-89be-4b44-bcc2-7ae1dd7ec719"}]
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