Title: Mavin Ouattara - Intervention ---- Subtitle: Collège de poétique du 31/03/2022 ---- Headerimage: - marvin-ouattara-1408x.jpg ---- Theme: Le Temps ---- Subject: Interventions ---- Location: Collège de poétique, Le Samusocial ---- Related: - resources/marvin-ouattara - resources/watch-au-samusocial-video - resources/nadir-chebila-intervention - resources/philippe-charlier-intervention - resources/romain-duffau-intervention1 - resources/shani-diluka-intervention - resources/clotilde-lepetit-intervention - resources/herve-sika-intervention - > resources/michele-levy-soussan-intervention - resources/frederic-louzeau-intervention - resources/pierre-joubert-intervention - > resources/intervention-de-jacques-toubon-college-de-poetique-31-03-2022 - > resources/thomas-lauriot-dit-prevost-intervention - resources/victor-pitron-intervention - resources/celine-oriol-intervention - resources/christine-peres-intervention - resources/college-de-poetique-le-corps ---- Intro: ---- Resourcecontent: - title: > Intervention au Collège de poétique du 31 mars 2022 layout: '[{"attrs":[],"columns":[{"blocks":[{"content":{"text":"
Je remercie Olivier de m\u2019avoir invit\u00e9, je suis content d\u2019\u00eatre l\u00e0 \u00e9galement pour partager avec vous. Il y a eu pleins de t\u00e9moignages aujourd\u2019hui, que j\u2019ai not\u00e9, qui font \u00e9cho \u00e0 ma vie ant\u00e9rieure, qui font \u00e9cho \u00e0 la vie que j\u2019ai men\u00e9, que je m\u00e8ne, ici \u00e0 Paris, le t\u00e9moignage de Nadir, il parlait de ce qu\u2019il a v\u00e9cu l\u00e0 o\u00f9 il \u00e9tait, d\u2019o\u00f9 il vient de sortir, avant lui, Philippe aussi, le rapport entre le vivant et le mort, donc tout cela fait \u00e9cho \u00e0 une vie pass\u00e9e parce que chez moi, les morts ne sont pas morts, les morts sont morts que lorsque nous les vivants nous les aurons oubli\u00e9s. Les morts sont dans l\u2019eau qui coule, dans le vent qui souffle et c\u2019est une r\u00e9alit\u00e9. Aussi chez moi, les saisons sont d\u00e9finies bien \u00e9videmment par les astres comme vous le savez. Mais quand j\u2019\u00e9tais petit, a une certaine \u00e9poque, il y a la phase d\u2019initiation qui est tr\u00e8s importante, qui est une p\u00e9riode tr\u00e8s importante ou j\u2019ai pu me consid\u00e9rer comme un petit gar\u00e7on, mais je rentre dans la phase d\u2019\u00eatre un homme, par l\u2019initiation, par la voix sacr\u00e9e, la caste des hommes. Et \u00e7a c\u2019est tr\u00e8s important. Mais ici, l\u2019exp\u00e9rience que j\u2019ai v\u00e9cu ici apr\u00e8s mon accident, les jambes fractur\u00e9es, le dos, pour avoir connu la rue, ici, la rue a \u00e9t\u00e9 pour moi souvent ce dortoir, sans accoudoir, sans miroir, qui se transforme souvent en mouroir pour certaines personnes. Du coup, ce temps que j\u2019ai v\u00e9cu, que j\u2019ai pris pour vivre n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 un temps pour moi. Tout \u00e0 l\u2019heure, tu parlais d\u2019un oubli. J\u2019ai m\u00eame pas le temps d\u2019oublier car je ne sais pas, si mon existence avait un temps, apr\u00e8s ce passage, j\u2019ai \u00e9t\u00e9 re\u00e7u, j\u2019ai \u00e9t\u00e9 h\u00e9berg\u00e9 dans un centre d\u2019h\u00e9bergement et dans ce centre, j\u2019\u00e9tais heureux au d\u00e9part d\u2019arriver dans le centre. J\u2019ai v\u00e9cu avec quelqu\u2019un qui me re\u00e7oit, on est deux dans la pi\u00e8ce et la personne qui \u00e9tait avec moi, elle avait horreur de se laver. Elle ne pouvait pas, ne voulait pas se lavait. Donc dans cette chambre que nous partagions, la vie \u00e9tait difficile, il y avait cette odeur qui m\u2019embaumait tous les jours. J\u2019\u00e9tais oblig\u00e9 d\u2019ouvrir la fen\u00eatre, m\u00eame en hiver. On ne lavait jamais les chaussures. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 pour moi insupportable, insupportable. Et je me mettais \u00e0 4 pattes pour faire un peu le m\u00e9nage et au fil du temps, mon voisin me voyant faire le m\u00e9nage a commenc\u00e9 \u00e0 changer d\u2019attitude. Il a commenc\u00e9 \u00e0 se laver. Et le ciel, cette maison qui \u00e9tait assombrit par tout ce qu\u2019il faisait, je commen\u00e7ais \u00e0 voir des \u00e9claircies.<\/p>
J\u2019ajoute \u00e0 cela le fait que j\u2019\u00e9tais malade, et les antalgiques que je prenais me donnais \u00e9galement quelques \u00e9claircies en attendant l\u2019op\u00e9ration. Et aussi, j\u2019ai eu la chance, chaque matin, \u00e0 un certain moment, il y a les pigeons, les pigeons qui venaient \u00e0 me fen\u00eatre. Je constatais qu\u2019ils avaient des fils sur les pattes. Donc je me suis dit, mais tiens, voil\u00e0 un boulot. Donc chaque matin, quand les pigeons arrivaient, je les prenais, je coupais les fils des pattes pour que le pigeon ne soit pas malade, pour qu\u2019on ne lui coupe pas ses pattes. Et dans un moment qui me donnait de la lumi\u00e8re et qui permettait d\u2019avoir, ces moments l\u00e0, des moments o\u00f9 le temps n\u2019existait pas, ou le temps \u00e9tait fig\u00e9. Je disais le temps fig\u00e9, la routine, le temps qui demeurait intact.<\/p>
Tout \u00e0 l\u2019heure, on parlait de la culture et de l\u2019art, effectivement, l\u2019art, la culture, comment par l\u2019art et la culture, on peut retrouver une humanit\u00e9. \u00c7a c\u2019est important et c\u2019est une r\u00e9alit\u00e9. Donc \u00e0 travers la radio \u2013 j\u2019\u00e9tais directeur de radio \u00e0 Abidjan \u2013 \u00e0 travers le th\u00e9\u00e2tre, \u00e0 travers des productions, \u00e0 travers pleins de choses auxquelles j\u2019ai particip\u00e9, m\u2019ont donn\u00e9 une certaine humanit\u00e9. Il y a aussi l\u2019atelier de po\u00e9sie avec la Maison de la Po\u00e9sie, qui m\u2019a donn\u00e9, m\u2019a permis d\u2019exister. Il fallait pas se d\u00e9sister, il fallait r\u00e9sister pour exister mais pour exister, il fallait s\u2019accrocher \u00e0 l\u2019espoir et l\u2019espoir c\u2019\u00e9tait toutes ces activit\u00e9s que je faisais.<\/p>
Cela me rappelle \u00e9galement, ce que disait Corneille dans Le Cid \u2013 je me dis que le parcours qu\u2019on a eu \u00e0 faire, si on avait pas \u00e9t\u00e9 un peu r\u00e9silient, s\u2019il y avait pas tous ces \u00e9l\u00e9ments pour nous soutenir, \u00e7a allait \u00eatre tr\u00e8s difficile pour nous, de remonter.<\/p>
Je vais ajouter que avec tout ce qu\u2019on a v\u00e9cu, avec les personnes qui nous ont encadr\u00e9, je parle de Pierre par exemple, il a \u00e9t\u00e9 pour moi, il m\u2019a accompagn\u00e9, je pense aussi, transformer sa souffrance en v\u00e9ritable exp\u00e9rience pour que \u00e7a puisse servir \u00e0 d\u2019autres personnes. Le temps qu\u2019on a pas quand on est dans la rue, le temps qu\u2019on a pas quand personne ne vous regarde, vous \u00eates invisibles. Dans tous les cas, les morts ne sont jamais morts, ils sont partout, dans nos cultures, dans nos traditions. Mais l\u2019invisible qui est dans la rue, celui qu\u2019on ne voit pas, c\u2019est de ca qu\u2019il s\u2019agit, ce comparse, c\u2019est \u00e7a. J\u2019\u00e9tais heureux de partager cette exp\u00e9rience avec vous. Il y a pleins de choses qui ont \u00e9volu\u00e9. On pourrait dire que toutes les personnes qui nous ont accompagn\u00e9, qui continuent de nous accompagn\u00e9, on les remercie.<\/p>
(Propos retranscrits par Antoine Ripaud)<\/em><\/p>"},"id":"c744da31-6efa-42a1-8283-8f723fdeb5c8","isHidden":false,"type":"textBlock"}],"id":"a73e4c33-9fca-45e9-b84f-1a01a4979b70","width":"1\/1"}],"id":"f2710918-edd4-40c9-b5c5-f326f024f27e"}]'
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