Deux petites pierre \u00e0 apporter \u00e0 ce qui a \u00e9t\u00e9 \u00e9chang\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure et qui m\u2019a marqu\u00e9. On a parl\u00e9 du rapport au temps et on fait r\u00e9f\u00e9rence tr\u00e8s clairement \u00e0 la prison. Et la prison c\u2019est l\u2019enfermement des corps. Pas n\u00e9cessairement les \u00e2mes et les esprits. Il y a d\u2019autres situations d\u2019enfermement, je pense aux gens en souffrance.<\/p>
Autre chose, on convoque \u00e9norm\u00e9ment le mental quand on traite des sujets dans la vie aujourd\u2019hui et ce serait pas inint\u00e9ressant une grille avec le corps.<\/p>
Je suis designer d\u2019innovation sociale. C\u2019est un m\u00e9tier qui consiste \u00e0 identifier des probl\u00e9matiques sociales et environnementales et \u00e0 concevoir des solutions avec des populations concern\u00e9es pour tenter d\u2019y r\u00e9pondre. L\u2019association que j\u2019ai cofond\u00e9 s\u2019est donn\u00e9e pour mission de transformer les usages, les pratiques, les comportements, etc. Nous ne croyons pas que les injonctions \u00e0 agir soient efficaces, nous pensons qu\u2019il est int\u00e9ressant de convoquer le d\u00e9sir d\u2019agir. Alors nous posons un miroir bienveillant devant nos habitudes afin de permettre \u00e0 chacun d\u2019explorer les possibles. Au cours de nos recherches, lorsque nous demandions \u00e0 des groupes de penser des solutions \u00e0 un probl\u00e8me donn\u00e9, dans un cadre et un espace temps connu et habituel, leurs production \u00e9tait plut\u00f4t m\u00e9diocre, assez standardis\u00e9e et finalement peu cr\u00e9ative. Si je m\u2019imagine dans un espace familier, et dans un temps familier j\u2019ai tendance \u00e0 reproduire mon mode de fonctionnement habituel et il m\u2019est difficile de changer mes pratiques. Mes rep\u00e8res spatiaux-temporels actent donc mon comportement. Convaincu du potentiel que chacun porte en lui, j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de changer mon approche pour obtenir des id\u00e9es plus int\u00e9ressantes. Comment se d\u00e9tacher d\u2019une barri\u00e8re mentale, de nos codes habituels pour lib\u00e9rer la cr\u00e9ativit\u00e9\u00a0? Et si on tentait de lib\u00e9rer les participants des r\u00e9f\u00e9rentiels connus\u00a0? Et si on s\u2019affranchissait de l\u2019espace connu\u00a0? Ce fut fait a travers un voyage immersif\u00a0: nous avons projet\u00e9 le groupe dans le temps, en l\u2019occurrence le futur. L\u2019espace propos\u00e9 est quasi inexistant, tr\u00e8s peu esquiss\u00e9. Nous sollicitions leurs imaginaires pour le construire. Les personnes savaient seulement qu\u2019elles se trouvaient en 2050. Comme \u00e7a, rationnellement, le futur peut para\u00eetre anxiog\u00e8ne mais nous nous sommes rendus compte qu\u2019il est plut\u00f4t porteur d\u2019espoir pour la plupart d\u2019entre-nous, il n\u2019est pas n\u00e9cessairement consid\u00e9r\u00e9 comme une menace. Malheureusement pour nous, le d\u00e9placement dans le temps n\u2019a pas r\u00e9solu notre probl\u00e8me. D\u2019une part, c\u2019est \u00e9puisant de construire mentalement l\u2019espace, \u00e7a demande beaucoup d\u2019\u00e9nergie et de cr\u00e9ativit\u00e9. D\u2019autre part, le futur est d\u00e9j\u00e0 colonis\u00e9 par des imaginaires du pr\u00e9sent. Les BD, les films, les livres, les rapports du GIEC nous proposent des r\u00e9cits que chacun s\u2019approprie en partie et sur lesquels nous b\u00e2tissons nos propres syst\u00e8mes de croyance.<\/p>
Nous nous sommes donc retrouv\u00e9s avec une projection du r\u00e9cit pr\u00e9sent du futur. Nous aurions sans doute le m\u00eame \u00e9cueil avec un d\u00e9placement dans le pass\u00e9. Du coup, comment se lib\u00e9rer de ces imaginaires collectifs projet\u00e9s pour faire place au d\u00e9sir profond qui sont en nous, les imaginaires individuels\u00a0? Dans cette exp\u00e9rience le temps semble \u00eatre une grille de lecture, notre morale, notre comportement, nos croyances m\u00eames semblent \u00eatre en partie dict\u00e9es par lui, c\u2019est une sorte de diapason. Et si on s\u2019affranchissait du temps tout simplement\u00a0? Nous avons alors cr\u00e9er une immersion, un espace original dans lequel chacun peut interagir avec des personnages et des probl\u00e9matiques sans aucune connotation au temps.<\/p>
Inconsciemment nous cherchons toujours des rep\u00e8res. S\u2019affranchir d\u2019un point de rep\u00e8re cherche les sens\u00a0 retrouver les \u00e9quilibres. Une trop grande libert\u00e9, un trop grand vide devient angoissant. Dans ce contexte intemporel, nous avons not\u00e9 avec \u00e9tonnement que les participants lib\u00e8rent leur imaginaire propre, ils ont alors tendance \u00e0 cr\u00e9er \u00e0 partir de leur d\u00e9sir profonds. Chaque participant cr\u00e9e sa propre r\u00e9alit\u00e9 unique et il y aura quelques \u00e9l\u00e9ments temporels li\u00e9s au contexte qu\u2019il aura eu envie de cr\u00e9er. Le temps est alors choisi et non plus subi. Les projections sont d\u00e9j\u00e0 plus riches, plus cr\u00e9atives, c\u2019est ce que nous cherchions \u00e0 obtenir. Quelques exemples simples\u00a0: s\u2019il est midi, je sais que je vais bient\u00f4t d\u00e9jeuner. Je n\u2019interroge pas ma faim r\u00e9elle, j\u2019int\u00e8gre le fait que nos habitudes communes pr\u00e9voit le temps du repas \u00e0 cette heure l\u00e0, c\u2019est un rythme social. Maintenant, imaginons que je m\u2019affranchisse du temps. J\u2019aurai tendance \u00e0 manger quand la faim se fera sentir, je peux d\u00e9cider comment retrouver mes semblables dans d\u2019autres contextes, librement et volontairement choisis. Si j\u2019interroge votre ressenti sur l\u2019\u00e2ge, est-il le m\u00eame que celui induit par notre date de naissance\u00a0? quel est alors notre \u00e2ge r\u00e9el\u00a0? Le temps est une mati\u00e8re structurante dans laquelle s\u2019inscrivent les changements. C\u2019est \u00e0 la fois une matrice confortable et s\u00e9curisante mais elle peut aussi nous enfermer dans des r\u00e9alit\u00e9s pas form\u00e9es choisies. Einstein disait le temps et l\u2019espace ne sont pas des conditions d\u2019existence. Le temps et l\u2019espace sont un mod\u00e8le de r\u00e9flexion. Il est peut-\u00eatre int\u00e9ressant de le traiter comme tel, de s\u2019en affranchir, pour ouvrir les possibles.<\/p>
(propos retranscrits par Antoine Ripaud)<\/em><\/p>"},"id":"6ae4a6aa-cb41-4332-970e-c929de0cea34","isHidden":false,"type":"textBlock"}],"id":"5e4e6394-1ac3-4e92-a1fe-e97cc7d220f4","width":"1\/1"}],"id":"8259fa70-9b80-4ccd-bb2b-7125814b9cc9"}]'
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